Alors que le film « Un pays qui se tient sage » de David Dufresne débarque sur grand écran au cinéma, coup d’œil dans le « rétroviseur social » au travers de mes vidéos et reportages terrain filmés au cœur de la rue en colère.
Qui possède la légitimité de définir la violence? Et de s’octroyer le monopole de cette dernière? Est-ce que la police nationale est là pour protéger le peuple ou les intérêts d’une minorité dominante au pouvoir?
Sommes nous réellement en démocratie?
Autant de questions qui jamais ne se sont posées avec une telle ferveur que depuis l’explosion de colère en France le 17 novembre 2018. Impossible de la rater, après des années de luttes sociales et manifestations pacifiques inefficaces face au bulldozer « libéralisme », la colère est passée au jaune fluo. Eclatant en plein Paris.
Ce sera mon point de départ sur ce qui va donner de nombreux documents vidéos, d’abord live avec mon téléphone, puis très vite tourné et monté soigneusement, sérieusement, pour produire des reportages à la hauteur de ce qui se passait alors : l’insurrection populaire.
Le 1er décembre à Paris restera une date importante, fondamentale même, marquée par une très forte mobilisation et détermination des manifestant/es dont la plupart se sont vu « monter à Paris » pour la première fois de toute leur vie !
Ce jour là restera aussi marqué par une police débordée, un gouvernement à l’Ouest, qui n’a rien vu venir, preuve du mépris et de la déconnexion d’avec le peuple. Paniqué, l’Etat aura ordonné une répression terrible notamment place de l’Etoile (Arc de Triomphe) transformée en nasse géante, véritable prison à ciel ouvert où nous étouffions sous les gaz.
Revoir mon live improvisé : partie 1 / partie 2 / partie 3 / partie 4.
L’ambiance est insurrectionnelle, inédite.
A l’Elysée, sueurs froides de l’exécutif. L’exfiltration du président Macron est organisée, si jamais, par hélicoptère.
Le JDD racontera fin janvier les dix jours où Emmanuel Macron a tremblé.
Le 1er décembre 2018, si pour beaucoup c’était leur première virée à Paris, pour la plupart c’était aussi leur première manif. Comme pour mon petit frère Jonathan à Nancy.
Et pour lui, comme pour des centaines, bientôt des milliers d’autres, la réponse de l’Etat ne s’est pas fait attendre : répression physique et judiciaire sans précédent.
Nous le savons aujourd’hui, l’Etat français a volontairement fait usage de la force de manière excessive, mais aussi a utilisé de la loi d’une manière tronquée pour arrêter et condamner des manifestants pacifiques gênants sa politique agressive.
C’est une forme de « lawfare« , technique utilisée pour nuire aux opposants politiques, dont je te parlais en vidéo ici en 2019.
Les semaines et les mois passent, les « actes Gilets Jaunes » s’enchaînent et mes vidéos aussi.
D’abord vers chez moi à Annecy, puis très vite à Lyon, Marseille, de nouveau à Paris, mais aussi à Lille, à Montpellier… je fais mon tour de France des luttes, armé de ma caméra et de mon micro. Le rituel est le même à chaque fois : je m’immerge complètement dans la manifestation, je la vis d’abord pour mieux la filmer ensuite et la traduire en vidéo sur internet.
Je suis allé manifester plusieurs fois à Marseille, mais qu’une seule fois avec ma caméra : ça a donné ce reportage que je considère encore aujourd’hui comme un de mes préférés, peut-être mon préféré. Le plus fort, le plus proche de ce qu’on a collectivement toutes et tous vécu ce jour là.
Quelque mois plus tard, je suis convoqué à la Police Judiciaire de ma ville, mandatée par la gendarmerie de… Marseille.
Ce matin, j’ai été convoqué par la Police Judiciaire ici à Annemasse, dans le cadre d’une enquête judiciaire me…
Publiée par Cemil Choses A Te Dire sur Mardi 28 mai 2019
L’intimidation est l’objectif, c’est évident, mais ne m’atteint pas. Je continue d’aller en manifestation, de produire des vidéos de sensibilisation politique, de décryptage, comme celles-ci :
Liens vers les vidéos :
La Macronie menace sur TF1 / Journalistes ou militants? / En marche ou crève ! / Sa « lettre aux français » (Grand Débat)
Pour l’acte 14, je retourne à Lyon avec ma caméra. Déterminé à agir différemment après des semaines d’échecs où chaque manifestation se déroule et se termine de la même manière. Dans la répression et la frustration.
Mais je suis arrêté par les gendarmes avant de pouvoir rejoindre le cortège…
Je rentre avec des images vraiment intéressantes et décide de les décortiquer pour en livrer une analyse complète afin de tenter de faire avancer nos modes d’actions.
En parallèle de l’acte 14, les Gilets Jaunes sont venus manifester contre les violences policières et l’usage du LBD40 devant l’ONU à Genève. A cette occasion, j’organise une émission spéciale sur la place des Nations (devant l’ONU à Genève) pour revenir sur les événements politiques français. Et l’expérience passée à Lyon durant l’acte 14.
Le 16 mars 2019 restera, au même titre que le 1er décembre 2018, une date fondatrice et ancrée dans l’ADN des Gilets Jaunes tant l’ampleur et la teneur de l’événement fut énorme. Tant la désinformation et la manipulation du pouvoir fut visible.
Evidemment j’y étais.
Equipé d’une petite caméra et d’un micro, mais aussi de protections (rudimentaires) contre les gaz, j’ai pu filmer et documenter dans cette vidéo, une toute autre réalité de l’intérieur. Aux antipodes des images véhiculées alors sur les grandes chaînes d’information telles BFM TV ou CNEWS, ou encore France TV, qui aimaient opposer les « mauvais manifestants » (les Gilets Jaunes sur les Champs Elysées) avec les « bons manifestants » (la marche pour le climat entre Opéra et République) tous dans les rues de Paris au même moment.
Je suis resté 6 heures entières sur les Champs, puis j’ai réussi à rejoindre la marche pour le climat arrivée à République.
Le document vidéo ci-dessous illustre la situation ubuesque.
Le 22 mars je poste donc la vidéo ci-dessus.
Le lendemain, le samedi 23 mars, je retourne en manifestation sans caméra (les 3/4 du temps j’y vais sans caméra) à Lyon et, place Bellecour, la manifestation pacifique, bon enfant, n’a pas le temps de commencer que…
Touché à la tempe droite par un tir policier alors que tout était calme, pacifique et musical. Alors que je discutais avec des manifestants et des abonnés. Je suis admis aux urgences et soigné. Je te raconte tout dans cette vidéo, mais je ne sais pas encore que l’onde de choc (surtout psychologique) sera plus grand que prévu.
3 semaines plus tard, je retourne en manifestation cette fois à Paris, où la répression policière monta d’un cran encore. Cette fois j’étais en live, simplement avec mon téléphone, qui a pris brutalement fin lorsque je reçu un coup de tonfa en pleine tête par derrière (par un policier) et m’effondra au sol.
Quelques jours plus tard, avec d’autres manifestants présents avec moi ce jour là, on faisait le point.
Les semaines et les mois suivants, j’ai levé un peu le pied (le temps de me remettre des blessures) sur les manifs GJ, mais sans rompre vraiment avec. A côté de ça, je poursuivais les vidéos de décryptage et de sensibilisation politique, mais aussi les reportages terrains à plusieurs occasions.
Pour l’acte 30 des GJ, j’ai répondu à l’appel national émis de Montpellier. Le moment était parfait pour faire le point.
Depuis je n’ai cessé de vivre et de couvrir ces événements sociaux majeurs de la vie démocratique de notre pays. Souvent sans, parfois avec mon téléphone ou une caméra. Donnant lieu à des dizaines de vidéos (live ou montées) sur YouTube.
Je suis retourné à Genève, devant l’ONU quand un GJ y faisait une grève de la fin. A Lille, pour la rentrée sociale et pour filmer une ZAP en plein cœur de la ville. A Aix-en-Provence, pour l’acte 44. A Paris, encore, pour les « 1 an » des GJ. Mais aussi à Belfort, avec les manifestants pour la défense d’Alstom. A Bonneville (74) avec les décrocheurs de portraits, trainés en justice. A Paris, toujours, pour une série de vidéo live J+0, J+1, J+2, J+3, J+5, J+36, J+44 (record de 6h de live en continu!), … commencée en même temps que la grande grève.
Le confinement déclaré à demi-mot mi mars par le gouvernement, marqua une série de vidéo live débutée à Paris même, puis en studio avec l’émission #SeulsEnsemble, qui perdure encore aujourd’hui.
Par cet article de blog, je voulais revenir sur cette période particulière, brûlante, de notre histoire politique et démocratique qui continue de se dérouler au quotidien. Impossible pour moi, et ce n’était pas l’objectif, de revenir ici sur chaque détail, chaque point, chaque instant. L’idée est de garder les grandes lignes en mémoire, garder le fil des événements, pour se fixer un cap, tenir un objectif, un horizon politique idéal à atteindre ensemble.
A l’heure où l’étau se ressert autour de nos libertés individuelles sous couvert d’une crise sanitaire pourtant pas inédite, où la répression politique et policière devient petit à petit la règle, la norme ; il est essentiel, peut-être même vital de refuser de se tenir sage. C’est-à-dire d’obéir aveuglément à un pouvoir exécutif tentaculaire.
Notre devoir est de poser des questions, de débattre, de participer aux décisions prises, de douter et de nous indigner.
Se tenir sage? Jamais !
Coucou,
J’admire vraiment ce que tu fais et te dis merci !
Merci de te battre pour l’avenir !
Merci de le faire de la bonne manière (pacifique) !
Merci d’être toi !
Merci de mettre en avant et dénoncé monde de violence dans lequel on vit !
Merci de ne jamais oublié l’important !
Tu es mon héros ! Alors merci !
Bravo ! Excellent travail. Dans un pays où la mémoire semble altérée.
Je diffuse.