Hier soir, dimanche donc, cela faisait 2 semaines que ma gueule de bois électorale était consommée. Il n’y avait donc guère d’enjeux, comme il n’y a eu guère de campagne. C’était au premier tour que véritablement tout se jouait.

Pour le second, les castors étaient suffisamment nombreux. Dopés par les médias à la solde du pouvoir, ou animés par le désir justifié d’empêcher l’accès au pouvoir du pire du pire. Laissant toute la place au pire, pour reprendre la formule de Clémentine Autain.

La France, un pays de 70 millions d’âmes, comptant près de 49 millions d’électeurs, a donc couronné un type que tout le monde déteste président pour la seconde fois, parce que 18,7 millions de personnes ont glissé un bout de papier avec son nom dessus dans une urne en plastique. 18,7 millions sur 49 millions.

Et encore, Elabe nous apprendre que 47% de ces 18,7M ont choisi Macron comme vote barrage à Le Pen. Donc ça fait 9,9M d’électeurs réels pour Macron sur 49M, et le voici réélu super-président de la Ve République.

Cette fois face à la Tour Eiffel, pour changer de la Pyramide du Louvre. Seule nouveauté. C’est la démocratie nous dit-on partout.

“Le choix des français” indiquait un logo toute la soirée en haut à droite de l’écran de BFM TV regardé par des millions de téléspectateurs. Sans compter les extraits vidéos repris partout sur internet encore à cette heure, et pour des jours… c’est le naufrage qui se poursuit. Un naufrage sans fond?

La macronie, qui a léché les pompes de Mélenchon pour draguer ses électeurs pendant 2 semaines, a repris ses bonnes habitudes à 20h01. Olivier Véran sur BFM, et d’autres ailleurs, s’est mis à vociférer sur le leader insoumis sans retenue.

Rachida Dati aboyant sur Clémentine Autain face à elle sur un autre plateau. L’empêchant à tout prix de parler sans que personne n’intervienne vraiment, sans doute excité d’avance par le buzz que la séquence fera dans l’heure sur Twitter.

Dimanche soir, ce fut d’abord le triomphe de la médiocrité. Celle qu’incarne Emmanuel Macron. Cette véritable “médiocratie” (cf. Alain Deneault) où tout n’est qu’apparences, mensonges, fraudes et impostures.

Mais aussi, surtout, où la violence règne à tous les étages. Maquillée de sourires et de postures calmes de façade. Pendant qu’Emmanuel et Brigitte Macron, main dans la main, entourée d’enfants flippants, avançaient solennellement sur l’air de l’hymne européen.

Une scénographie parfaitement préparée et maitrisée sur le Champs de Mars, filmée un poil en contre-plongée par les équipes de l’Elysée et retransmise sur tous les écrans du pays.

Pendant ce temps là, des quartiers entiers de Paris étaient bouclés. La capitale, investie de milliers de policiers sur-armés, fut une nouvelle fois le théâtre de la répression étatique pour mâter les manifestants et leur contestation, dans ses rues et sur ses places. 

Une pluie de grenades et de coups de matraque s’abattait alors sur les représentants des 4/5 de la population française qui rejetait ce second tour. Et ça aurait été de même si l’issue avait été favorable à Le Pen. Pire, sans doute, quand on sait que les forces de l’ordre votent jusqu’à 70% pour cette dernière.

Plus tard dans la soirée, un policier ouvrira le feu sur une voiture décrite comme menaçante par un représentant syndical d’extrême-droite (Alliance Police). Bilan : 2 morts.

Alors que Marine Le Pen, extrêmement enthousiaste, s’est déjà exprimée devant ses supporters et une foule de caméras pour se féliciter de son gros score et tenter de se placer comme première opposante au président réélu avec 58% ; alors que même Jean-Luc Mélenchon, calme, même mou, lui aussi a pris la parole sur internet, comme pour rappeler qu’il aurait été autant légitime qu’elle d’être au second tour ; Emmanuel Macron s’est fait longuement désirer (nous permettant de subir le sketch permanent du blabla meublant des plateaux TV d’infos en continu) et est arrivé sous la Tour Eiffel après 21h30.

Comme s’il attendait que la nuit tombe totalement avant de prendre la parole. A peine 3000 personnes, et plus de 1200 journalistes, étaient réunis sur l’immense Champs de Mars, ça aurait fait tâche que ça se voit de jour… Malgré la débauche de moyens (lumières, scène de show, DJ, écrans géants…) l’ambiance était à peine tiède. Même pendant le discours du “roi” en carton.

Que dire de ses vingt minutes de discours? C’était d’une médiocrité sans pareille. Absolument totale. D’une déconnexion avec le réel digne d’une personne invoquant la méthode Coué pour, en direct, faire une sorte de révisionnisme global de la situation.

Il a passé la quasi entièreté de sa prise de parole à remercier la confiance que la France lui renouvelle. A la féliciter de son choix porté sur son projet qui fera d’elle “une grande nation écologique”. Nous sommes prié de ne pas rire. Presque prié de l’appeler “Dieu”.

L’ambiance est quasi religieuse dans sa forme scénographique.

On apprendra plus tard que l’équipe de campagne du président-candidat avait adressé une demande spéciale à la direction de la Tour Eiffel afin de la faire scintiller pendant le discours. Réfusé.

Serait-ce un choix politique ou une réelle contrainte d’organisation technique? Le doute plane.

Après de longue minute d’auto-satisfaction et de remerciements, Emmanuel Macron aura tout juste un mot, rapide, en direction des votants qui ont utilisé son bulletin de vote pour barrer la route à l’extrême-droite.

Se contredisant alors dans son propre discours qu’il lit, les yeux souvent baissés sur son papier, dans un sur-jeu permanent mettant en scène sa victoire totale. Avant de promettre de gouverner autrement, puis de s’éclipser rapidement dans une berline blindée et protéger de dizaines d’agents sur-armés qui l’escorteront jusqu’à son palais.

Et après, tout fut vite remballé avant minuit. Plié en deux-deux. Le show médiatique assuré, les images dans la boîte et diffusées su tous les écrans: l’objectif était rempli. Bye! Cette élection était bel et bien une formalité administrative, une reconduction tacite du pouvoir macroniste aidée par Marine Le Pen.

Les deux concurrents de ce second tour écrit d’avance fanfaronnent alors de leur score respectif, mais pourtant gonflés l’un l’autre par une montée du vote barrage… autant anti Le Pen, qu’anti Macron. La preuve dans les DOM TOM qui, au premier tour, élisaient Mélenchon président du premier coup, et qui au second tour, se sont fortement reportés sur le bulletin RN.

Qui peut croire que les électeurs des outremers épousent le projet de l’extrême-droite? Marine Le Pen ne pouvant même pas poser le pied en Guadeloupe sans se faire huer abondamment.

Les habitants excédés par la politique et la violence d’Emmanuel Macron, on voté contre lui dans ce second tour. Là où, en métropole, se fut plus partagé. Gonflant les voix de part et d’autres (côté Macron comme côté Le Pen) pour faire barrage à la candidature adverse. Elabe annonce même que 47% des voix pour Macron ont été motivé par un vote anti-Le Pen, ce dimanche 24 avril.

Rajoutons à ça plus de 28% de taux d’abstention, et plus de 2,2M de votes nuls/blancs : un record depuis plus d’un demi siècle ! Une honte absolue. Un modèle politique en crise comme jamais. Sans doute Emmanuel Macron avait tout ça en tête lors de son discours, ce qui expliquerait son mauvais jeu d’acteur studio, à sourire bêtement, à en faire des caisses.

Aucune adhésion à un projet ou à un autre dans ce second tour. Ou si peu.Si Emmanuel Macron était mal élu en 2017, il est extrêmement faible en 2022. Mais dans les faits, il a le pouvoir. Et ce pouvoir est immense dans la monarchie républicaine qui régit notre pays. C’est le président qui promulgue les lois, qui nomme son 1er ministre (qui compose le gouvernement), mais aussi les préfets, 1/3 des membres du Conseil Constitutionnel et son président, ou encore les directeurs des médias publics (qui recruteront des rédactions peu hostiles au pouvoir).

Le lendemain de cette mascarade démocratique, où le président réélu promettait de gouverner autrement (donc reconnaissant les reproches qu’on a pu faire de ses méthodes finalement), Bruno Le Maire (ministre de l’économie et des finances) n’a pas pu garantir que l’injuste et non désirée réforme des retraites ne se fera sans l’usage du 49-3. Premier séisme médiatique du nouveau quinquennat même pas commencé !

Hier soir, j’étais pour la premier fois en direct non pas sur cette chaîne YouTube, mais sur Twitch.

Non pas que je vous oubli ici (oh non! loin de là) mais je n’avais aucune certitude de faire une bonne émission, ni même de rester en ligne jusqu’au bout tellement tout ce manège me répugne et me fatigue. Au moins, sur Twitch, là où il n’y a encore personne qui m’y suit, je ne prenais pas le risque de vous décevoir.

J’ai finalement apprécié l’expérience, que je renouvellerai sans doute. En parallèle des vidéos et posts ici, et de mon travail journalistique ailleurs, notamment au MEDIA.

Les 5 années qui viennent seront, sans surprise, plus éreintantes que les cinq que nous venons de subir. Gabriel Attal (porte-parole du gouvernement) a prévenu : ils iront “plus vite, plus fort”. Plus vite, plus fort dans la casse de notre modèle social républicain.

Emmanuel Macron osera même, dans son discours, promettre une « méthode refondée » pour gouverner la France, appelant à être « bienveillants et respectueux », assurant que « nul se sera laissé au bord du chemin ». Entre le 49-3 pour la réforme des retraites que personne ne veut et les humain (SDF comme exilés) qui crèvent par milliers à nos frontières et dans nos villes sans que rien ne soit fait pour les sauver… Il va lui falloir un ministère de la vérité pour imposer à tous sa vision orwellienne de cette dernière.

Peut-être que l’étape des législatives viendra perturber son plan…

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